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Cour de Cassation 25 novembre 2020 / SCI, Abus de confiance, Tenue irrégulière de comptabilité et absence de comptabilité /

Le 04 janvier 2021

" (...)  Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 30 décembre 2008, la SCI les Hauts de Feytas (la SCI) a acquis un terrain en vu de la réalisation d'un vaste programme immobilier, financé en totalité par un découvert en compte d'un montant de 1 400 000 euros.

3. Le 4 juin 2012, l'un des actionnaires de la SCI, a déposé plainte contre X auprès du procureur de la République pour abus de confiance. Il a reproché aux dirigeants de la S.C.I, MM. X... et S..., d'avoir détourné une partie de la trésorerie au profit du Groupe ATI, dont ils assuraient également la direction.

4. Par jugement du tribunal de grande instance en date du 15 octobre 2013, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la SCI, la date de cessation des paiements étant fixée au 13 septembre 2013.

5. L'administrateur provisoire a transmis au procureur de la République le rapport d'expertise comptable établi par le cabinet Exafi, désigné par le tribunal dans le cadre de cette procédure, certaines irrégularités constatées par l'expert lui paraissant relever d'une qualification pénale.

6. A l'issue des investigations, MM. X... et S... ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, en qualité de dirigeants de fait ou de droit de la SCI, des chefs de banqueroute par emploi de moyens ruineux, tenue irrégulière de comptabilité et absence de comptabilité. (...) 

Sur le moyen pris en sa première branche

11. Le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu la date de cessation des paiements fixée par le jugement d'ouverture de la procédure collective.

12. En effet si la cessation des paiements, constatée par le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, est une condition préalable nécessaire à l'exercice de poursuites des chefs de banqueroute par emploi de moyens ruineux, tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière ou absence de comptabilité, sa date est sans incidence sur la caractérisation de ces délits, qui peuvent être retenus indifféremment pour des faits commis antérieurement ou postérieurement à la cessation des paiements.

Mais sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches

Vu l'article L. 654-2 4° et 5° du code de commerce et l'article 121-3 du code pénal :

13. Il résulte de ces textes que la caractérisation de l'élément intentionnel des délits de banqueroute par absence de comptabilité ou tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière suppose la seule conscience de son auteur de se soustraire à ses obligations comptables légales.

14. Elle n'exige pas la preuve que le prévenu a eu la volonté soit d'éviter ou de retarder la constatation de l'état de cessation des paiements, soit d'affecter la consistance de l'actif disponible dans des conditions de nature à placer l'intéressé dans l'impossibilité de faire face au passif exigible.

15. Pour relaxer les prévenus du chef de banqueroute par tenue d'une comptabilité irrégulière et absence de comptabilité, l'arrêt attaqué, après avoir constaté la tenue irrégulière de la comptabilité de la SCI en 2011 et l'absence de comptabilité de la société en 2012 et 2013, énonce que l'absence totale de comptabilité de la société en 2012 et 2013 s'inscrit dans un contexte de conflit entre les associés qui a notamment entraîné la démission de l'expert comptable et que la cour ne dispose d'aucun élément permettant de considérer que les irrégularités comme le défaut de comptabilité auraient eu lieu dans le but poursuivi par les prévenus de retarder la constatation de l'état de cessation des paiements ou d'affecter l'actif de la S.C.I. dans des conditions qui allaient la mettre dans l'impossibilité de faire face au passif exigible.

16. Les juges ajoutent que l'historique de la société, l'implication de MM. X... et S... et de leurs épouses, l'argent qu'ils ont perdu dans cette opération immobilière, leur personnalité, tous deux se présentant avec un casier judiciaire vierge en dépit d'une longue expérience d'associé ou de gérant de société, et la poursuite de l'activité de la SCI, qui a respecté le plan de redressement mis en place, sont autant d'éléments qui se heurtent à la thèse selon laquelle ils auraient eu l'intention de maintenir artificiellement l'activité de celle-ci avant la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal de grande instance.

17. En prononçant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

18. La cassation est par conséquent encourue. (...) "

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 novembre 2020, 19-85.205

SOURCE : LEGIFRANCE